Depuis son ouverture le 12 novembre, Louise & Rosalie a reçu en tout 36 visites et a accueilli 13 dames dont la plupart vit à la rue ou alors dans une situation de très grande pauvreté (logement insalubre et froid, chambre d’hôtel de la Mairie partagée avec une inconnue, etc.) Elles arrivent envoyées par des associations partenaires et puis le bouche à oreille fonctionne…Toutes sont très dignes et évoquent leur situation à mots couverts, mais la dureté de leur vie est flagrante.
Durant les permanences, elles se posent, prennent un bon petit déjeuner, le dimanche un brunch. Beaucoup s’inscrivent pour les douches ou pour laver et sécher leur linge ou les deux. Jusqu’à présent, 14 femmes ont pris une douche et 14 aussi ont fait une machine. Les contraintes sanitaires pour les douches sont très fortes. Les femmes accueillies font un premier nettoyage, ensuite les bénévoles passent un virucide puissant, posé 20 minutes. Ce qui diminue le nombre de douches proposé.
Tout se passe très bien pour l’instant. Les consignes données par les bénévoles sont toujours respectées et il règne à l’accueil beaucoup de paix.
Afin de vous plonger dans l’expérience de l’accueil, retrouvez ci-dessous les témoignages de bénévoles ayant fait une ou plusieurs permanences :
Témoignage d’Inès
Regarde-moi
Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est moi, bénévole débutante, qui me suis sentie accueillie jeudi matin. Par Myriam, Laetitia, Brigitte et Jeanne qui, comme moi, viennent pour la première fois, à l’Accueil Louise & Rosalie. Mais surtout par Samira, Sylvie, Stéphanie, Fanny, Dominique et Sara qui arrivent de la rue. Avec un gros chargement pour certaines, avec rien pour d’autres.
Comme Sara débarquée de Mayotte après un long périple de réfugiée qui l’a menée du Congo Kinshasa à Paris il y a 3 semaines. Elle n’a rien que son petit sac de toile accroché au cou, elle grelotte, elle est perdue et n’a nulle part où aller. Que faire pour Sara ?
Sylvie, elle, est très chargée, affairée, agitée. Il faut dire qu’elle est poursuivie par les commandos du contre-espionnage qui ne lui laissent pas de répit ! Entre deux machines, elle ne lâche pas l’ordinateur. Le complot qu’elle semble devoir déjouer lui fait tenir des propos racistes et lancer des regards noirs à Sara… ce n’est pas ce que l’on veut entendre ni voir à l’Accueil Louise & Rosalie. Mais que s’est-il passé dans la vie de Sylvie devenue « clocharde » ?
Fanny, Samira et Stéphanie sont jeunes et très organisées chacune.
Fanny reste discrète pendant qu’elle prend son petit-déjeuner. Elle fait ses machines de linge, prend une douche, souffle un peu, reprend des forces… Que fait-elle dehors, derrière le théâtre de l’Odéon où elle vit ?
Samira passe en coup de vent : elle a rendez-vous à l’hôpital pour refaire son pansement à un doigt abîmé par un panaris. Casquette vissée sur la tête, une belle voix éraillée, le teint très pâle, elle avale un café, laisse là son énorme valise qu’elle viendra récupérer et file à l’hôpital. Reviendra-t-elle ?
Stéphanie vient pour « parler » et « pour nous aider si vous avez besoin ». Elle arrive avec un gros sac de vêtements à donner dont Sara a pu profiter. Elle a sa vie dans son grand caddie en vinyle rouge très tendance, tout un matériel de scrapbooking qu’elle installe sur une table. Elle découpe des cœurs toute la matinée, tout en discutant avec les unes et les autres. Et puis elle repart, enveloppée dans son manteau de fourrure, un joli foulard sur la tête qui ne laisse rien voir de ses cheveux. Mais en a-t-elle encore ?
Dominique est fatiguée. Lasse. Elle vit dans les bibliothèques quand elles sont ouvertes. Elle aime lire. Surtout la Bible mais elle n’est pas croyante. Pourquoi n’y a-t-il pas de livres ici ? Au moins la Bible ? Elle prend une douche mais elle a eu peur de tomber « parce que ça glisse ». Encore un petit café, avant de repartir, le regard triste, sur ces mots : « Je n’ai rien d’autre à faire que survivre physiquement et mentalement… »
Chacune a son histoire mais ce que Sara, Sylvie, Fanny, Samira, Stéphanie et Dominique ont en commun, c’est leur regard. Des beaux regards courageux qui appellent à les regarder avec le même courage. Des regards accueillants sur leur vie si difficile. Des regards qui nous invitent, nous les bénévoles, à ne pas avoir peur et qui nous disent très clairement : Regarde- moi. Avouons-le : j’avais très peur en arrivant. Leur regard a chassé ma peur. Et je crois avoir compris que le premier besoin de Sara, Sylvie, Fanny, Samira, Stéphanie et Dominique qui vivent dans l’indifférence de la rue, c’est d’abord d’être regardées.
Témoignage de Myriam
Louise & Rosalie est un lieu paisible où j’ai croisé le regard de femmes qui semblent soulagées de se poser et se reposer. Cette douceur au sens large est la première chose que nous pouvons leur offrir. Mais il y a chez elles, certainement, d’autres attentes auxquelles nous devrons apprendre à répondre. Tout est à construire dans la bienveillance et le meilleur est à venir.
Témoignage d’Alice
Suite à la permanence que j’ai effectuée le dimanche 15 novembre, je souhaitais vous faire part de mon expérience. J’ai apprécié la possibilité de passer du temps avec les accueillies et de partager un moment de convivialité autour d’un brunch. En effet, de ce que j’ai entendu de la part des femmes qui étaient présentes ce jour-là, la tranquillité et sérénité des lieux et du moment passé ensemble étaient uniques et précieux. Nous avons pris le temps de discuter que ce soit des sujets profonds ou de sujets plus terre-à-terre mais aussi de ne pas discuter et d’être juste présentes les unes pour les autres. La disposition des lieux permet de pouvoir participer à ces moments tout en s’occupant de la préparation de cafés/sandwichs etc… J’ai été touchée par les remerciements et encouragements des accueillies à l’égard des bénévoles.
Témoignage de Patricia
Ça y est, le bruit de la sonnette ! Toutes poussent la porte, le plus souvent chargées de sacs gonflés et lourds… Dans les regards, une interrogation : comment ça se passe ? qu’est-ce qu’on va me proposer ? qui va m’accueillir ?… Pour la plupart, elles se sont vite senties « chez elles » — ou plutôt chez une copine — : un petit thé ou café… et on se raconte, on explique pourquoi on vit ainsi, différemment oui ! et, pourtant pas si éloignées les unes des autres… Premières étincelles de l’humaine fraternité qui fonde Louise & Rosalie !