Depuis l’ouverture de l’Accueil, des relectures de pratiques nous sont proposées à échéances régulières. Elles permettent de mettre en perspective ce que nous vivons à l’Accueil. Retour sur ces relectures avec 3 questions à Anne-Paule Lerosier, notre accompagnatrice.
Les bénévoles de Louise & Rosalie bénéficient de plusieurs séances de relectures de pratiques. Quels en sont les enjeux ?
Anne-Paule Lerosier : Une relecture de pratiques, comme nous l’avons imaginée pour Louise & Rosalie, répond à plusieurs enjeux :
- réfléchir et construire une pratique commune;
- parler et créer une culture de l’échange, de la parole et de la réflexion sur l’exclusion;
- construire les réponses de Louise & Rosalie et de ses bénévoles aux questions que la rencontre de ces femmes en situation de grande précarité pose.
Il y a un enjeu qui n’était pas prévu mais qui est très vif dans les relectures de pratique : vivre et expérimenter le « moi aussi » ou le « je ne suis pas la seule ». En conclusion, souvent des bénévoles disent : « Je retiens que je ne suis pas la seule à partager ces sentiments ». Ou « merci parce que j’ai pu dire ce qui m’interrogeait et j’ai le sentiment d’avoir été écoutée ». Et encore, « Je suis contente d’avoir entendu que mes préoccupations résonnent chez mes co-équipières bénévoles. »
Quelles questions reviennent le plus souvent ?
A.P.L: Les sujets remportant le plus de récurrence sont autour de la posture d’accueil et d’accompagnement, du cadre qu’on pose et de ce que vous souhaitez vivre dans l’Accueil Louise & Rosalie.
La question de la posture dans la relation : Puis-je poser des questions ? Lesquelles ? Comment ? Comment recevoir une logorrhée verbale et qu’est-ce que j’en fais ? Quelle place je fais aux délires, aux discours complotistes ? Qu’est-ce que je peux dire de moi ?
Nous tournons beaucoup autour de la question du cadre et de comment le poser ? A quoi sert-il ? Comment dire à une femme accueillie qu’elle dépasse mes limites ou les limites de l’accueil, sans violence ou réactivité, tout en étant ferme et assertive ? Peut-on intervenir dans les discussions et interactions entre les femmes, et comment ?
Nous évoquons aussi ce que vous souhaitez pour ces femmes, quelle est l’ambiance que vous voulez chez Louise & Rosalie ? et qu’est-ce qu’on fait pour la faire vivre ?
J’entends aussi chez beaucoup de bénévoles une soif de comprendre l’exclusion : pourquoi ? Que se passe-t-il dans la vie de ces femmes pour qu’elles en soient là ? La vie à la rue, c’est quoi ? Pauvreté- précarité – exclusion, quelles sont les différences ?
Nous effleurons parfois un effet miroir qui n’est pas toujours verbalisé, qui est pourtant présent. Si ces femmes en sont là, est-ce que cela peut m’arriver un jour ?
Que percevez-vous de l’accueil au travers de ces échanges ?
A.P.L: Au fur et à mesure des échanges, je perçois des bénévoles concernées et investies. Je suis même régulièrement impressionnée par la force des engagements. Cette force se traduit par une envie commune et vive de rechercher le meilleur et le plus juste pour ces femmes qui vivent le pire. Enfin, il m’apparaît en filigranes un désir de liens et de rencontres de femmes à femmes dépassant les barrières construites par notre société et renforcées par l’exclusion : la féminité, la maternité, les coups durs, le bien-être, les saisons, les ruptures, les joies et les peines. Une recherche d’humanité commune.