Ce nouvel accueil de jour pour femmes sans-abri vient d’ouvrir au cœur du VIe arrondissement.
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Par Élodie Soulié, Le 20 novembre 2020 à 11h37
Le lieu pourrait intimider, avec ses hauts plafonds et son installation au cœur de la Congrégation de la Mission, habitée par les pères Lazaristes. Pourtant derrière le porche et les épais murs d’enceinte de la rue de Sèvres (VIe), les 160 m2 de « Louise et Rosalie », un nouvel accueil de jour dédié aux femmes sans-abri, s’ouvrent à elles sans chichis, sans conditions, sans questions, sinon celle de savoir « De quoi avez-vous besoin aujourd’hui ? ». La réponse est d’abord celle d’un havre où poser sacs et soucis pour quelques minutes ou quelques heures, de réchauffer son corps d’un petit-déjeuner, d’une bonne douche, et son cœur d’un accueil « inconditionnel et simplement chaleureux », ainsi qu’insiste Laetitia, de l’équipe de bénévoles.
12 % des sans-abri sont des femmes à Paris
Fruit d’un partenariat entre les associations caritatives de la Société Saint-Vincent de Paul et de la Fédération Française des Équipes Saint-Vincent, avec la congrégation des Lazaristes fondée par Saint-Vincent-de-Paul au XVIIe siècle, le nouveau lieu d’accueil a ouvert mi-novembre malgré la crise sanitaire, ses contraintes et ses appréhensions. Face à l’urgence de la précarité, et face aux inconnues de la fin de la pandémie, l’équipe de Louise et Rosalie n’a pas hésité : trop de femmes dans la rue, trop peu de lieux d’accueil, l’équation illustre un besoin véritable, alors que les femmes représentent désormais plus de 40 % des sans-abri, et 12 % dans la capitale, où la dernière Nuit de la Solidarité a recensé plus de 3 600 personnes à la rue. Parmi eux, de plus en plus de femmes en errance, confrontées à une insécurité décuplée par leur condition de femmes.
Un lieu chaleureux
À l’origine de ce nouveau lieu, le premier jamais ouvert dans le VIe arrondissement, il y a une philosophie de vie, celle de l’apôtre de la charité que fut Saint-Vincent-de-Paul, et partagée par les 3 partenaires. « L’idée est venue d’un appel du pape François, il y a 3 ans, qui nous disait d’aller aux périphéries », se souvient Laurence de Tilly, qui a piloté le projet. « Suite à cet appel, les pères de la Congrégation ont voulu agir. Saint-Vincent disait toujours que les pauvres sont nos maîtres, et lorsque a germé notre projet, il existait encore moins d’accueils pour les femmes qu’aujourd’hui. Nous avons voulu un endroit qui soit lumineux et chaleureux mais pas écrasant; un endroit pratique également, et qui respecte l’esprit du lieu dans lequel il est ouvert, l’esprit de la famille vincentienne ». Vitrages semés de fleurs de lys, portes anciennes, couleurs chaudes, « Ici c’est classe, on retrouve sa dignité, dans la rue on est déclassée », en a d’emblée apprécié l’une des premières accueillies. « C’est un espace conçu et animé par des femmes, pour des femmes », sourit Sophie de Villeneuve, qui gère le lieu au quotidien.
50 bénévoles se relayent
Lorsqu’elles arrivent à Louise et Rosalie, – qui doit son nom à deux figures emblématiques de la charité, Louise de Marillac, disciple de Saint-Vincent de Paul, et Rosalie Rendu, dédiée aux pauvres du quartier Mouffetard au XIXe siècle- les femmes n’ont qu’à donner leur prénom, et peuvent prendre un petit-déjeuner, une douche, profiter des machines à laver, recharger un téléphone, ou même utiliser, à discrétion, l’ordinateur en accès libre. « Nous ne sommes qu’une goutte d’eau, s’excuse presque Sophie de Villeneuve, mais c’est du concret. On ouvre les bras, en essayant de comprendre et de répondre aux besoins immédiats de ces femmes ». Une cinquantaine de bénévoles y contribuent, à raison de 5 par matinée pour accueillir les « visiteuses ». Toutes sont des femmes, et spécialement formées à l’écoute et la prise en charge des sans-abri.
Pour son « rodage », Louise et Rosalie ouvre ses portes chaque mercredi et jeudi de 9 heures à 12h30, le dimanche de 10 heures à 14 heures, et peut accueillir une dizaine de femmes en même temps, pour cause de protocole sanitaire draconien. En temps « normal » ce sera le double, et à moyen terme plus quotidiennement. « Nous avons beaucoup de projets, préviennent à l’unisson Laurence de Tilly et Sophie de Villeneuve. Nous débutons sans travailleur social, le principal c’est l’accueil, mais cet endroit pourrait devenir un lieu ressource pour orienter les femmes de façon plus qualitative que ce qui peut exister, plus adaptée à chaque besoin ».